Juliette – A voix basse (extrait de l’album Bijoux et Babioles)
J’ai un bien étrange pouvoir,
Mais n’est-ce pas une malédiction ?
Cela a commencé un soir,
J’avais à peine l’âge de raison.
J’étais plongée dans un roman
De la bibliothèque rose,
Quand j’ai vu qu’il y avait des gens,
Avec moi dans la chambre close.
Qui donc pouvaient être ces gosses,
Cette invasion de petites filles ?
Que me voulaient ces Carabosses
Qui leur tenaient lieu de famille ?
J’ai vite compris à leurs manières,
A leurs habits d’un autre temps,
Que ces visiteurs de mystère
Etaient sortis de mon roman.
Ils jacassent à voix basse dès que j’ouvre mon bouquin ;
Je délivre, de leur livre, des héros ou des vauriens,
Qui surgissent, m’envahissent, se vautrent sur mes coussins,
Qui s’étalent et déballent linges sales et chagrins.
Ils me choquent, m’interloquent et me prennent à témoin
De leurs vices, leur malice, de leur drôle de destin.
Mauvais rêve qui s’achève dès que je lis le mot « Fin »
A voix basse, ils s’effacent quand je ferme le bouquin. (bis)
Depuis dès que mes yeux se posent
Entre les lignes, entre les pages,
Mêmes effets et mêmes causes,
Je fais surgir les personnages.
Pour mon malheur, je lis beaucoup
Et c’est risqué, je le sais bien,
Mes hôtes peuvent aussi être fous,
Ou dangereux ou assassins.
J’ai fui devant des créatures,
Repoussé quelques décadents,
Echappé de peu aux morsures
D’un vieux Roumain extravagant.
J’évite de lire tant qu’à faire
Les dépravés et les malades,
Les histoires de serial-killers,
Les œuvres du Marquis de Sade.
Ils jacassent à voix basse dès que j’ouvre mon bouquin ;
Je délivre, de leur livre, des héros ou des vauriens,
Qui surgissent, m’envahissent, se vautrent sur mes coussins,
Qui s’étalent et déballent linges sales et chagrins.
Ils me choquent, m’interloquent et me prennent à témoin
De leurs vices, leur malice, de leur drôle de destin.
Mauvais rêve qui s’achève dès que je lis le mot « Fin »
A voix basse, ils s’effacent quand je ferme le bouquin. (bis)
N’importe quoi qui est imprimé
Me saute aux yeux littéralement,
Et l’histoire devient insensée
Car je ne lis pas que des romans.
Ainsi j’ai subi les caprices
D’un apollon de prospectus.
J’ai même rencontré les trois Suisses
Et le caissier des emprunts russes.
Un article du Code Pénal
Poilu comme une moisissure
S’est comporté comme un vandale
Se soulageant dans mes chaussures.
Ce démon qui vient de filer,
Ce ne serait pas, je me le demande,
Un genre de verbe irrégulier,
Sorti d’une grammaire hhhhaallemande ? [je reproduis l’accent germanique que prend la chanteuse]
[refrain avec thème musical seul, sans les paroles]
Je pourrais bien cesser de lire
Pour qu’ils cessent de me hanter ;
Brûler mes livres pour finir
Dans un glorieux autodafé ;
Mais j’aime trop comme un opium,
Ce rendez-vous de chaque nuit,
Ces mots qui deviennent des hommes,
Loin de ce monde qui m’ennuie.
Malgré les monstres et les bizarres,
Je me suis fait quelques amis ;
Alors j’ouvre une page au hasard,
D’un livre usé que je relis ;
Et puis j’attends, je dois l’avouer,
Au coin d’un chapitre émouvant,
Que vienne d’un prince ou d’une fée,
Un amour comme dans les romans.
Comme dans les romans…
A voix basse qu’ils me fassent oublier tous mes chagrins ;
Qu’ils susurrent, doux murmure, des « toujours » et des « demain »,
Qu’ils m’embrassent, qu’ils m’enlacent, et quand viendra le mot « Fin »
Je promets de ne jamais plus refermer le bouquin. (bis)